Nouvelle adaptation d’une BD française,
BÉCASSINE, créée en 1905 et actuellement au cinéma. Réalisée par
Bruno Podalydès, les décors sont de
WOUTER ZOON.
Votre réaction à la lecture du scénario ?
Connaissant un peu l’univers de Bruno Podalydès à travers ses films précédents, en lisant le scénario, j’y ai tout de suite senti l’importance du décor. Chose un peu contradictoire avec les albums de Bécassine où les décors n’apparaissent que ponctuellement. Et quand ils apparaissent, le plus souvent sous forme d’accessoires, c’est pour une raison bien précise : le récit.
Je me suis dit que le challenge se trouvait là, faire exister le décor tout au long du film, en essayant de ne jamais gêner le récit (on n’a pas le droit à la page blanche, comme dans les albums…). Le fait que l’histoire se situe dans les années 1920/30 rendait la chose d’autant plus sympathique.
Comment s’est passée votre première rencontre avec Podalydès et que souhaitait-il sur le plan des décors ? Dans le film, les accessoires sont utilisés de manière ludique Où s’est déroulé le tournage ? Quelle a été votre parcours et comment êtes-vous devenu décorateur ? En quoi votre expérience d’accessoiriste vous aide-t-elle aujourd’hui ? Quels films vous ont donné envie de faire du cinéma ?
Je suis allé au rendez-vous avec quelques dessins, très sommaires, de l’éjecteur d’œuf dont il est question dans le scénario. Cela nous a permis de rentrer dans le vif du sujet, immédiatement, car Bruno avait quelque chose de très différent en tête. Un échange constructif s’est très vite mis en place.
Nous nous sommes procurés une dizaine d’albums de Bécassine, desquels j’ai extrait un certain nombre d’images (justement quand un décor ou un accessoire apparaît) pour ensuite en faire une sorte d’inventaire de choses récurrentes : une poussette, une cheminée, le parapluie, la manière dont systématiquement sont traités les fonds en papier peint, les motifs des tissus, etc.
A partir de là, on s’est tous mis au travail, chacun dans son domaine a essayé d’appliquer cet « inventaire » au plus près. Au fur et à mesure que nous proposions des choses au réalisateur, notre base s’est enrichie de ses retours, dans l’ensemble très positifs. Bien sûr, cela nous a tous motivés pour aller encore plus loin !
Dans la lignée des albums, l’inventive Bécassine vient d’un monde extrêmement simple (la ferme de ses parents) et elle découvre « le monde moderne » des années 20 où l’électricité et l’eau courante viennent de sortir. Sa créativité va être stimulée par ce changement, mais elle agit la plupart du temps avec ses propres méthodes qu’elle a acquises auparavant. Avec des bouts de ficelle, elle est capable de réaliser des exploits…
Au rayon déco, cela nous a bien sûr beaucoup plu, cela n’arrive pas très souvent que l’objet soit au centre de l’histoire, dès la première lecture du scénario !
Le film a été tourné en grande partie dans le château de Villiers-le-Bâcle, en région parisienne, puis dans l’Orne pour la plupart des extérieurs, ainsi que la petite ferme du début. Le studio ne faisait pas partie des options envisageables, à cause du budget, plutôt minimaliste. Le château en question offrait de belles possibilités, moyennant quelques aménagements.
Avant de travailler dans le cinéma, j’étais designer diplômé d’une école d’ingénieur aux Pays-Bas. Ayant travaillé quelques années dans des agences de design, j’ai rapidement compris que j’étais très attiré par l’éphémère. Par la suite, j’ai trouvé ma voie dans le cinéma et j’ai commencé ma carrière comme accessoiriste de plateau. Ce poste est de nos jours de plus en plus souvent choisi par le réalisateur, alors que pour moi, il représente l’équipe déco sur le plateau. Je suis devenu chef décorateur progressivement, au fil des années. Bien sûr mes bagages, le dessin et la méthode, et aussi la soif d’apprendre m’ont toujours été utiles.
L’accessoiriste est un personnage central sur un plateau de tournage. Il est en lien direct avec le réalisateur, le chef opérateur et les comédiens au moment de la prise de vues. Mes années plateau ont été pour moi une formidable école où j’ai pu apprendre, aux cotés de quelques grands du cinéma comme Jacques Rivette, William Lubtchansky, Otar Iosseliani, Michael Haneke ou Aki Kaurismaki, quelques ficelles de mon métier, toujours en tant que représentant du décorateur par lequel j’étais engagé sur le projet.
Ce sont les deux premiers projets sur lesquels j’ai eu la chance de travailler : le court-métrage "La Vis" de Didier Flamand (César 1995 du meilleur court-métrage et nommé aux Oscars, ndlr) et le long-métrage "Iron Horsemen" de Gilles Charmant, un road-movie fou, tourné en Finlande et produit par Aki Kaurismaki.
Merci à Wouter pour les photos (et pour son portrait !)