Lettre ouverte des associations professionnelles
du cinéma et de l’audiovisuel à la ministre du Travail Muriel Pénicaud
Partout en France, le 23 avril 2020
Madame la ministre,
Nous, associations professionnelles du cinéma et de l’audiovisuel, avons pris connaissance du courrier que nos employeurs vous ont adressé le 17 avril 2020. Cette lettre demande la suspension des franchises salaire et congés payés qui privent d’allocations chômage des milliers d’intermittent-e-s à jour de leurs droits.
Les organisations professionnelles du secteur ont alerté à de nombreuses reprises vos services et ceux du ministre de la Culture sur cette iniquité flagrante, née de la réforme de l’assurance chômage en 2016. L’ampleur sans précédent de la crise actuelle rend cette situation intenable et entraîne l’urgence d’aller au-delà des requêtes présentées par nos employeurs en supprimant immédiatement le dispositif des franchises. C’est une mesure drastique que nous vous demandons de prendre, à la hauteur de l’absence totale de revenus de très nombreux collègues.
La levée prochaine du confinement ne signifiera pas une reprise immédiate de la production cinématographique et audiovisuelle, loin de là ! La question de l’encadrement sanitaire et de la prise en charge par les assurances de nos activités de préparation, de tournage et de postproduction reste à l’étude.
L’annulation, le report ou l’échelonnement des tournages (mais aussi des festivals, des spectacles...) empêchera un très grand nombre d’intermittent-e-s d’ouvrir leurs droits à l’assurance chômage. Il faut s’assurer que dans cet avenir incertain « personne ne soit laissé au bord de la route », dixit le ministre de la Culture. Sans mesure forte et courageuse de votre part, nous nous dirigeons vers une véritable hécatombe sociale et industrielle pour un fleuron emblématique du rayonnement national.
Dans l’immédiat, il nous semble impératif de prolonger les dispositions actuelles de soutien à l’activité partielle et de garantir le maintien des droits aux allocations chômage bien au-delà du 31 mai, comme les textes actuels le prévoient. Il sera également nécessaire de prendre en compte les primo-entrants qui n’ont pas pu ouvrir leurs droits, ainsi que ceux qui n’ont pas pu renouveler leurs droits en janvier et février 2020 et dont l’activité aurait dû reprendre par la suite.
Il sera temps, dans les semaines et les mois qui viennent, de faire l’analyse des conditions dans lesquelles notre secteur a été touché particulièrement durement. Nous pensons bien sûr à l’inégalité de notre régime d’indemnisation chômage - que l’avenant du 21 janvier 2019 relatif à l’accord du 28 avril 2016, signé par l’ensemble du secteur spectacle, mais rejeté par le Gouvernement, avait quelque peu tenté d’améliorer -, mais également à la faible formalisation contractuelle de nos embauches qui a privé bon nombre d’entre nous de l’accès au dispositif de soutien à l’activité partielle. Nous encourageons en ce sens nos employeurs à recourir le plus possible à ce dispositif pour tous les projets où une promesse unilatérale de contrat de travail aurait été formulée par courriel, SMS ou téléphone.
Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est aussi l’avenir du cinéma français et plus largement de tout le secteur audiovisuel de notre pays. Nous le voyons déjà, des plateformes américaines engrangent des millions d’abonnements supplémentaires, y compris sur notre territoire national. L’industrie hollywoodienne a la puissance nécessaire pour redémarrer et produire en grande quantité des films et des programmes à l’exportation. La santé et la force de notre cinéma et de notre secteur audiovisuel résident bien sûr dans leur mode de financement, mais surtout dans le savoir-faire de milliers de professionnels qui pourraient être grandement fragilisés et conduits à chercher du travail ailleurs ou dans d’autres branches s’ils n’ont plus de sources de revenus.
La maison brûle, nos maisons brûlent, et nous attendons de nos autorités de tutelle qu’elles prennent la pleine mesure des revendications légitimes formulées par l’ensemble de la filière, dans une unanimité rare qui témoigne d’une urgence impérieuse.
Veuillez, madame la ministre, agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs. Les associations professionnelles du cinéma et de l’audiovisuel
AAPCA | Association des administrateurs de production cinéma et audiovisuel ACFDA | Association des chargés de figuration et de distribution artistique ADC | Association des chefs décorateurs de cinéma
ADIT | Association française des DIT
ADP | Association des directeurs de production
ADPP | Association des directeurs de post-production
ADR | Association Des Repéreurs
AFAP | Association Française des Accessoiristes de Plateau
AFAR | Association française des assistants réalisateurs de fiction
AFC | Association française des directeurs de la photographie cinématographique AFCCA | Association française des costumiers du cinéma et de l’audiovisuel
AFCS | Association française des cadreurs steadicam
AFR | Association française des régisseurs du cinéma et de l’audiovisuel
AFSI | Association française du son à l’image
AOA | Assistants opérateurs associés
ARDA | Association des Responsables de Distribution Artistique
LMA | Les Monteurs associés
LSA | Les Scriptes associés
L’UNION | L’Union des chefs opérateurs
MAD | Métiers associés du décor
SHADE | International Colorist Association
Copies à M. Franck Riester, ministre de la Culture et M. Dominique Boutonnat, président du CNC.
Version du 24 avril avec ajout des associations ADR et AFAP