SORCERER / LE CONVOI DE LA PEUR
de WILLIAM FRIEDKIN
1977, 121mn, USA
Version restaurée en salles
C’est la reprise de juillet, un blockbuster pré-numérique signé
William Friedkin et longtemps oublié pour cause d’échec cuisant.
Dans une jungle hostile, des hommes sont chargés de convoyer deux camions chargés de nitroglycérine, prêts à exploser au moindre choc.
Contrairement au film de Clouzot,
Le Salaire de la peur dont il est inspiré,
Sorcerer démarre par un brillant prologue en forme de thriller urbain, trois récits tournés respectivement à Jérusalem, Paris et New York. Puis le film se recentre autour d’un forage pétrolier en république dominicaine, sur fond de domination militaire, un trou perdu où ont échoué les trois fugitifs du début.
Le production designer
John Box (Lawrence d’Arabie, Le Docteur Jivago ...) a recréé un village tropical qui ressemble à l’enfer, suintant la crasse et la misère. Plus vrai que nature, et sans tomber dans la caricature.
Les deux camions, des épaves ressuscitées de la casse, s’enfoncent dans la jungle, traversent divers obstacles dont - et c’est le climax du film- un pont branlant prêt à s’effondrer, le tout dans des bourrasques de vent et de pluies apocalyptiques.
En voyant ces séquences vierges de tout effet numérique, tout dans l’image prend un réalisme et une intensité particulière : les paysages, les décors, les conditions de tournage, le jeu des acteurs...Si trucages il y eut, ils sont très loin d’occuper la place qui est la leur à présent, et on imagine le festival d’effets spéciaux que serait un remake du film aujourd’hui.
Le tournage de Sorcerer fut digne du scénario du Fitzacarraldo de Herzog, et aussi d’une autre apocalypse cinématographique, celle que Coppola commençait alors à tourner aux Philippines.
En 1977, Friedkin se trouvait au sommet, suite au succès de French connection et surtout du carton et phénomène mondial que fut L’exorciste.
Sorcerer, qui avait coûté une fortune, aurait peut-être mieux fonctionné avec des superstars (Steve McQueen fut remplacé par Roy Scheider) mais surtout, il eut la malchance de sortir une semaine après Star wars.
Devant les salles vides du film de Friedkin, les exploitants le remplacèrent très vite par celui de George Lucas qui avait fait un démarrage foudroyant.
Pour se rendre compte du phénomène, Friedkin se rendit au Chinese Theater avec sa compagne de l’époque, Jeanne Moreau. Après la projection, il lui dit : « Je ne comprends rien à ces putains de robots...peut-être qu’on a parié sur le mauvais cheval ! »
(Le nouvel Hollywood par Peter Biskind, Editions Le Cherche Midi)
Le moment était venu pour la SF, le merveilleux, et les films destinés (aussi) aux enfants.
Voyez la Master class donnée par Friedkin autour de son film maudit qui ressort aujourd’hui dans son titre original.
http://www.cinematheque.fr/fr/dans-salles/rencontres-conferences/espace-videos/master-class-william-friedkin-propos-sorcerer,v,701.html
C’était en 2013, au festival Toute la mémoire du monde, consacré à des grands films nouvellement restaurés.