LA FILLE DE RYAN, DAVID LEAN (1970)
Avec Sarah Miles, Robert Mitchum.
Décors de Stephen Grimes
En salles à partir du 15 août.
La fille de Ryan, un film à moitié oublié de David Lean, contrairement à ses autres derniers titres, (presque) tous des succès planétaires multi oscarisés. Evidemment, comment faire mieux que ses trois prédécesseurs, Le Pont de la rivière Kwai, Lawrence d’Arabie et Le Docteur Jivago, super-productions aux paysages exotiques et aux mélodies de Maurice Jarre durablement vissées dans nos têtes ?
Ici, pas de bataille épique, pas de figurants à perte de vue, encore moins de jungle birmane, de désert saharien ou de Russie enneigée. Juste un modeste village perdu dans la lande irlandaise et une longue plage aux falaises tombant à pic. Un cadre tout de même grandiose pour une histoire toute simple : l’éternel triangle amoureux, soit une jeune épouse « bovarienne » et insatisfaite, un mari tranquille et cocufié (Mitchum, à contre-emploi) et un jeune et joli officier traumatisé par la guerre, le tout sur fond de conflit anglo-irlandais en 1916.
Au chef opérateur Freddie Young, le réalisateur demanda « quelque chose de magnifique. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais il faut émouvoir les gens jusqu’aux tréfonds !... J’espère que ce film irlandais va nous permettre de montrer que nous pouvons faire autre chose. Du sordide va côtoyer un romantisme splendide. A certains moments, il faudra exprimer la volupté d’une pensée érotique ».
Le résultat ? Un sommet du romantisme comme rarement le cinéma a osé en produire. Comme à leur habitude, Lean et Maurice Jarre sont inspirés par les grands paysages et les (grands également) sentiments amoureux, magnifiés aussi par les couleurs des costumes.
Côté décor, le village et ses quarante maisons fut construit, puis détruit, sur la péninsule isolée de Dingle (régulièrement, des touristes cherchent vainement à le visiter). Pendant l’année que dura le tournage, l’équipe passa la plupart de son temps à attendre le bon rayon de soleil, ou la pluie raccord, ou une tempête suffisamment déchainée, allant même jusqu’à se déplacer en Afrique du sud pour chercher des plages semblables à celles de l’Irlande. On en trouva de quasi identiques, si ce n’est la couleur du sable et des rochers, mais qu’importe, ils furent repeints pour le film !
La météo fut si peu favorable, et le réalisateur comme à son habitude si perfectionniste, qu’un décor de forêt idyllique, lieu des amours illicites, dut être construit dans une salle de bal d’un village voisin improvisée en studio
Son décorateur habituel (John Box) étant indisponible, Lean fit appel à Stephen Grimes, « simple » art director sur Lawrence d’Arabie, et par ailleurs l’auteur des décors des films de John Huston (période années 1960) et de Sydney Pollack. Attention, la durée du film est de 3h40 (il paraît pourtant deux fois moins long), les images en 2,35. Conclusion : vision en salle obligatoire !