Après un détour par les jeux vidéo, Thierry Flamand revient au cinéma avec le décor de La Belle et la Bête de Christophe Gans. Il n’a pu échapper au questionnaire de l’ADC….
Le film qui vous a donné envie de faire du décor de cinéma ? Je peux citer quand même Metropolis de Fritz Lang, Blade Runner de Ridley Scott, ou dans un tout autre genre Le Locataire de Polanski comme ceux qui donnent envie de continuer au début d’une carrière ! Abordez-vous un scénario, une pièce de théâtre ou un opéra de la même façon ? Comment exprimez-vous vos idées de décor ? Aujourd’hui, dessinez-vous toujours à la main ? Je trouve en dessinant, c’est très proche de l’écriture, les descriptions de lieux chez Balzac par exemple remplissent de nombreuses pages ; chez moi ce sont les blocs A3 qui se remplissent au Stabilo Stylist. Quand j’ai le temps, je fais des illustrations Photoshop. Je travaille aussi avec des illustrateurs de métier pour des concepts plus poussés. Les trois qualités indispensables du décorateur ? Un film, une exposition, un spectacle... qui vous a marqué récemment ? Un souvenir de décor ou de tournage particulièrement fort depuis votre premier film ? Le film, ou le genre de film, dont vous avez toujours rêvé de faire le décor ? De la préparation au dernier jour de tournage de La belle et le bête, un moment particulièrement difficile ? …et le moment qui vous a donné le plus de satisfaction ? La question manquante à laquelle vous auriez voulu répondre ? * Didier Flamand, acteur, comédien pour le théâtre et le cinéma
Jeune architecte diplômé, je cherchais ma voie et j’ai eu la chance que mon frère Didier* me fasse découvrir le monde du Théâtre. Grâce à lui, j’ai rencontré Jacques Nolot qui m’a proposé mon tout premier décor au théâtre et Jean Reno qui m’a présenté à Luc Besson. C’est en travaillant sur Le Dernier Combat, que l’envie s’est révélée.
Oui, s’il s’agit du plaisir d’imaginer l’espace et l’atmosphère de ce qui s’y raconte. Après, les choses sont bien sûr différentes dans la manière d’organiser le territoire scénographique d’un film et celui de la scène au théâtre ou à l’opéra.
Ces expériences diverses sont passionnantes, il y a toujours ce rapport essentiel à la lumière, à l’image, à la force de suggestion d’un décor.
Bien sûr, jouer sur la volumétrie ou l’atmosphère d’un lieu est plus évident en studio ou sur la scène d’un théâtre qu’en décor naturel.
Ça commence toujours par des notes, des croquis, des petits bouts de dessins, une recherche iconographique également qui étaye les ambiances qui me viennent à l’esprit. Puis je commence à dessiner plus précisément les décors.
Sensibilité, imagination, philanthropie.
Beaucoup de choses, entre autres récemment ou pas :
Le Cheval de Turin et plus généralement l’œuvre du cinéaste Béla Tarr est sans doute l’émotion cinématographique la plus forte que j’ai ressenti depuis longtemps. Entre danse et cinéma, l’extraordinaire Pina Bausch de Wim Wenders.
En danse, Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker sur l’obsédante Music for 18 Musicians de Steve Reich.
En photo, les rencontres photographiques d’Arles et plus récemment l’exposition d’Alfredo Jaar.
Désolé, mais il me faudrait bien trop de temps pour évoquer la foultitude de souvenirs forts liés à toutes mes expériences cinématographiques ! Sans doute Jusqu’au bout du monde de Wim Wenders restera comme la plus incroyable, mais bien d’autres films m’ont donné ce sentiment de plénitude.
Pour n’en citer que quelque uns Le Thé au Harem de Mehdi Charef, Chocolat de Claire Denis et Place Vendôme de Nicole Garcia.
Relisez le premier paragraphe…
La Belle et La Bête n’a pas été une promenade de santé… De la préparation au tournage on a travaillé dur, les livraisons de décors se sont enchaînées à un rythme très soutenu.
On a construit sur l’ensemble des plateaux de Babelsberg, la plupart du temps simultanément des décors dont certains avaient des dimensions impressionnantes. Il n’y a pas eu de moment particulièrement difficile mais rien ne s’est fait dans la facilité non plus !
A la livraison du premier décor, la Salle à Manger, j’ai compris qu’on avait atteint quelque chose d’assez exceptionnel !
Pensez-vous que le cinéma est le lieu idéal pour s’empiffrer de popcorns ?