A l’affiche du film Le crocodile du Botswanga, le décorateur Maamar Ech-Cheikh répond aux questions de l’ADC et revient sur ses débuts pour les sketchs des Nuls à Canal plus.
Le cinéma a-t-il été un choix délibéré ou une opportunité ? Un des mes amis avait réussi à trouver un job à Canal Plus. Il fut informé qu’on recherchait un accessoiriste, j’ai immédiatement postulé. Lors du rendez vous, j’ai du raconter que j’avais fait plein de clips et de pubs, ce qui n’était pas vrai. J’ai été pris à l’essai et ils m’ont gardé. Voilà comment j’ai démarré. Quelle est votre formation et influence-t-elle aujourd’hui votre façon de travailler (méthode, style) ? A l’époque des Nuls, c’est-à-dire à mes débuts, je notais tout ce qui se disait lors des réunions car j’avais peu d’expérience et peur d’oublier une information. Ce que je croyais être un défaut, j’ai compris plus tard que c’était une qualité. J’ai continué à garder cette attention, ça a développé en moi ce souci du détail. Quand au style, pour moi il associe pleins de choses : la sensibilité du metteur en scène, la mienne, l’histoire, l’époque, le milieu, l’environnement, le social, etc… Il est différent à chaque fois. Que conseillez-vous à ceux qui vous sollicitent pour faire ce métier ? Qu’avez-vous tiré de vos années à Canal + ? Les Nuls a été la meilleur école que j’ai connu et en plus j’étais payé, que voulez-vous de plus ? On passait d’une parodie de pub beauté à de la lessive, d’une parodie de film de guerre avec explosions qu’on faisait nous-même à un film intimiste, d’une parodie d’un plateau télé à une pièce de théâtre etc … Votre filmographie compte de nombreuses comédies, ce genre donne-t-il un ton particulier au décor ? Pensez-vous que le rôle d’un décorateur d’un film est aussi d’influencer la mise en scène ? Depuis vos débuts dans le cinéma, un souvenir de tournage particulièrement marquant ? Je me souviens qu’à la fin de chaque film, je me prenais pour le héros pendant 2, 3 jours et j’en rêvais. J’avais hâte de voir ce village fini pour pouvoir me balader tout seul avec un holster à la ceinture. J’attendais qu’il y ait plus personne, bien sur ! Je voulais pas qu’on se foute de ma gueule, mais je l’ai fait !!!!! Un film, une exposition, un spectacle... qui vous ait fait rêver récemment ? A propos du film de Félix Éboué et Lionel Steketee, Le Crocodile du Botswanga, quelques mots sur les parti-pris de décor ? La question manquante à laquelle vous auriez voulu répondre ? Et sa réponse, éventuellement...
Sincèrement, ce fût une opportunité plus qu’un choix. Ce qui m’a fait rentrer dans ce milieu, c’est l’amitié. On était une bande de copains, certains étaient comédiens, ils montaient leur propre pièce et on les aidait à construire les décors.
C’était assez contraignant, on avait peu d’argent, on volait du bois dans les chantiers la nuit, on nous donnait la peinture, on récupérait des meubles qu’on retapait ou patinait et on construisait sans atelier.
J’ai fait un bac Electronique (F2 à l’époque) ou on apprenait à faire des plans. En même temps que j’aidais ces copains à monter leur pièce, je prenais des cours de dessin artistique, et quand j’étais à Canal, je suivais en parallèle des cours d’histoire de l’art au Louvre.
D’aller voler du bois dans les chantiers la nuit !!!! Ben, je sais pas si je suis légitime pour donner des conseils mais je peux leur dire d’aller au bout de leur idée et aussi d’écouter.
Le rythme de Canal était très soutenu. On avait un degré de production assez élevé. Cela m’a appris à tempérer et à anticiper dans des situations compliquées avec de gros décors à livrer en peu de temps. J’ai appris aussi à passer d’un style à un autre, d’une sensibilité à une autre.
On avait beaucoup de boulot mais on rigolait aussi. Ca aussi ça a influencé mon choix de faire se métier. J’ai retrouvé cet état d’esprit quand j’ai fait le film à sketchs Les Infidèles.
On pourrait le croire mais je ne le pense pas. Il me semble que le cinéma américain a beaucoup influencé les nouvelles générations dans ce genre de film. Grâce à ces références, les réalisateurs ont tenu à porter beaucoup d’attention à l’artistique.
On a commencé à mettre plus d’argent, on est devenu plus réaliste, moins carton-pâte donc mieux éclairé. Le jeu des comédiens est devenu moins caricatural. Le genre existe encore mais il est devenu plus minoritaire.
Y a pas de règle, cela dépend de pleins de choses. Il faut le sentir. Si c’est le postulat de départ, c’est à dire que c’est le metteur qui le demande, oui. Mais c’est pas toujours le cas. De toute façon vous êtes appelés à parler du film, donc fatalement vous donnez votre ressenti par rapport à l’histoire et donc, avoir une influence, pourquoi pas...
Je crois que c’est Big city de Djamel Bensalah. C’était un western pour enfant. J’ai du pour les besoins de ce film construire un village en entier. Cela m’a rappelé mon père, c’était son cinéma préféré. J’aurais été fier de le lui montrer.
Je me suis retapé une partie de la filmographie de Fritz Lang : M le maudit, Le docteur Mabuse et Metropolis. Du génie, un régal de mise en scène.
A l’époque des films 3D, ça fait du bien de se replonger à l’essentiel, la mise en scène.
Au gré du film, on a apporté plusieurs choses.
D’abord, l’aspect colonial par la fresque dans la salle des ministres, le bois - car c’est un pays exportateur - dans les salles des ministres ainsi que la réception (claustra et fond de scène).
L’influence des russes - ce qui est le cas de beaucoup de pays africains - à l’aéroport et pour l’entrée du palais de Bobo (l’arche avec son étoile et la typo en volume sous les drapeaux ainsi qu’à l’entrée).
Le coté mégalo des intérieurs du dictateur dont sa chambre, son bureau, un style clinquant, ostentatoire et de mauvais goût. Et les couleurs chaudes pour la fête organisée pour la femme du dictateur.
« Quel a été le tournant de votre vie professionnelle ? »
Ma collaboration aux films de Michel Hazanavicius, un réalisateur de grand talent. Ces films m’ont vraiment permis de m’exprimer. Il a été une grande chance dans ma vie professionnelle. Cette rencontre m’a donné une nouvelle dimension.