Chef peintre pour le cinéma, artiste peintre, Alain Frentzel répond au questionnaire de l’ADC, en attendant de voir son travail dans les prochains films de Gilles Legrand ou Joachim Lafosse,
Peintre pour le cinéma : une envie ? un hasard ?
...Ni une envie ni un hasard…Après dix années dans la publicité comme illustrateur hyperréaliste, j’avais envie de changer. Une amie assistante déco, Solange Zeitoun, me propose de venir peindre des pubs (bouillon KUB, images de spiritueux, etc) sur les murs d’une maison, dans un port, en Bretagne pour un tournage, La nuit de l’océan de Antoine Perset.
Je trouve dans cette expérience une satisfaction et une excitation à travailler la peinture pour un décor. Ce que je faisais en petit sur un format raisin, je le fais en très grand sur les murs.
Artiste peintre et peintre pour le cinéma, comment vous alliez les deux ?
J’ai toujours privilégié (en pensée) mon travail personnel, sans le mélanger.
La peinture des décors est une manière de gagner ma vie et je dois préciser que j’ai rencontré des chefs décorateurs avec lesquels c’est un vrai plaisir de travailler.
Quand un film est fini, je range tout et je reprends mon travail personnel, en utlisant parfois des matières expérimentées sur les décors.
Quelques mots sur les portraits récemment exposés dans la vitrine de l’ Inlassable Galerie ?
C’est une série de 100 portraits d’anonymes peints…inspirés de photos d’identités, de journaux, etc…trouvés dans la rue…ou donné
s par des ami(e)s.
Je les expose sous forme de phrases, il suffit de remplacer un visage par une lettre et vous avez le titre d’un livre où une phrase d’un auteur que j’aime.
Dans l’idéal, comment se déroule une collaboration avec le décorateur d’un film ?
Chef peintre c’est transmettre à son équipe, le plus précisément possible ce que souhaite le chef décorateur, donc...j’essaye d’avoir avec le décorateur le plus d’informations possibles, et comme je travaille avec les mêmes décorateurs depuis longtemps, on se comprend vite, c’est une histoire de confiance partagée.
Etes-vous en relation avec le chef opérateur ?
C’est très rare, c’est surtout le décorateur qui me transmet les infos si la couleur est trop ceci ou trop cela.
Comment "trouvez-vous" la peinture d’un décor ?
C’est le chef décorateur qui me donne des documents qu’il aime bien et ensuite je fais des essais de couleurs, de matières, etc. Je lui fais des propositions et on en discute…j’adore ces moments de recherches ou tout ce met en place. Ces moments m’aident pour ensuite finaliser le décor.
Vous est-il déjà arrivé de devoir repeindre entièrement un décor avant le tournage ?
Non jamais...merci.
Des décors de films (en dehors des vôtres) dont vous admirez le travail de peinture ?
J’ai rencontré des peintres talentueux avec lesquels j’ai travaillé, mais un décor, c’est un ensemble entre…réalisateur, décorateur, ensemblier, constructeur, peintre…
Difficile de juger le travail pictural, ce qui m’intéresse c’est le film.
Un souvenir particulièrement fort sur un film ?
Il y en a beaucoup...mais un en particulier, c’était sur le film Vatel. Un matin tôt avec le décorateur Jean Rabasse, nous avons patiné un vrai boeuf écorché et emmailloté (voir le tableau de Rembrandt) avec de la graisse pour que le tissu fasse corps avec la chair.
Un film, une expo, un spectacle qui vous ait fait rêvé ?
Un film d’Ozu, muet et sans accompagnement, vu à la Cinémathèque : Une auberge à Tokyo
L’exposition de Lewis Baltz au BAL m’a bouleversé.
Laurent Poitrenaux au Theâtre Ouvert lisant Futur, ancien, fugitif d’Olivier Cadiot. Il est très fort.
Si vous n’aviez pas été peintre…
J’aurai aimé être photographe de guerre.
Quelques mots sur votre prochain film à sortir ?
Avec Olivier Radot - je travaille avec lui depuis près de 20 ans - nous sommes partis au Maroc, à Erfoud dans le désert, faire le décor d’une ONG pour Les chevaliers blancs, le prochain film de Joachim Lafosse inspiré de l’Arche de Zoé (photo). Nous avons vécu des moments inoubliables.
Question subsidiaire : celle à laquelle vous auriez voulu répondre ?
C’est assez…merci.
Photo d’un décor du film Les chevaliers blancs (2015)
Peinture (2006)
« J’utilise parfois mon travail personnel dans les décors et vice versa » (Alain Frentzel)