À l’heure où nous écrivons ces lignes, la cérémonie des César, c’est demain soir, vendredi 12 mars, en direct sur Canal Plus à partir de 21h. À l’issue d’une année 2020 bien particulière, la cérémonie se tiendra elle aussi dans un cadre inédit, sans public autre que les nommés, en direct depuis l’Olympia. Parmi tout ce beau monde, cinq décorateurs prétendent au César du meilleur décor cette année : Carlos Conti pour Adieu les cons, Thierry François pour La bonne épouse, David Faivre pour Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, Nicolas de Boiscuillé pour De Gaulle et Benoît Barouh pour Été 85.
À la veille de cette cérémonie, nous avons voulu leur poser deux questions toutes simples.
La parole est aux nommés…
Carlos Conti :
Que représente pour vous cette nomination ?
Ça fait toujours grand plaisir !!! Et toute l’équipe déco en est très contente.
Surtout quand on aime un projet.
Quelle a été la nature et la difficulté de votre travail sur le film qui vous a apporté cette nomination ?
Albert Dupontel, avant l’écriture de son scénario, avait décidé que tout ou presque tout le film se ferait en studio, tant les extérieurs nuit comme les intérieurs, ce qui rendait encore plus excitant le projet .
J’avais aimé l’histoire de cette rencontre improbable entre cet homme déçu par ses supérieurs, par la vie et qui décide mourir et cette femme qui se sait condamnée et qui veut vivre pour rencontrer son fils, ce qui rend cette histoire folle et poétique. Surtout avec l’arrivée du personnage de l’aveugle.
Récréer le Parvis de la Défense, la rue, le rond point, le parking, le métro, les escalators, etc., a été un long processus de préparation.
L’idée de départ était de faire cette ville entourée de grues et d’immeubles en construction.
Comme le rond point où il reste un muret et une petite colonne de la maternité où Suze a accouché quand elle avait 15 ans. Tout a été envahi par la modernité, le passé s’efface.
Pour ce qui est de la Défense, comme tous les immeubles sont dessinés par des architectes très connus, et donc avec des droits d’auteur, on en a dessiné d’autres qu’on a proposé aux responsables des effets visuels pour les créer en post-production, comme les terrains vagues avec ses grues, le parking de la fin, etc.
Le film a été riche en moments, comme les archives connectées au réseau tenues par l’aveugle, l’escalier en colimaçon qui tourne dans son axe pour les besoins du plan de grue, les bureaux inondés, etc.
En tout cas, l’équipe déco et moi, nous avons été contents de travailler avec Albert Dupontel, metteur-en-scène talentueux, précis, exigeant et avec mille idées tous les jours.
Thierry François :
Que représente pour vous cette nomination ?
Je ne vais pas bouder mon plaisir d’être nommé c’est toujours une jolie nouvelle qui fait surtout plaisir à mes proches.
Quelle a été la nature et la difficulté de votre travail sur le film qui vous a apporté cette nomination ?
Le décor principal était un manoir en ruine qui a demandé beaucoup d’énergie en remodelage des pièces, murs et cloisons déplacés etc.
Ce fut un travail d’archéologue pour retrouver la source originelle du lieu, refaire sa patine lustrée et marquer son ancienne gloire.
La seule réelle difficulté a été de rassembler les séries d’accessoires identiques sans l’usure du temps.
Le budget était serré, sans plus, l’ambiance a été facilitée par un réalisateur adorable, Martin Provost.
C’était mon quatrième film avec lui, le premier étant Séraphine
, une grande confiance de sa part.
Quand le budget est serré c’est plus compliqué : « faut trouver des solutions » terme favori des directeurs de production énoncé à la première rencontre.
J’aime bien « trouver des solutions » du moment que ce n’est pas sur le dos de l’équipe, sauf que je ne lâche rien quand j’estime qu’une dépense importante est indispensable, alors si le directeur de production oublie un peu sa feuille comptable, tout va bien !
David Faivre :
Que représente pour vous cette nomination ?
Être nommé lors des César pour un film contemporain est une très grande joie. Que le public, que les membres de l’Académie remarquent et distinguent ce film et le travail d’une bande d’amis prolonge le sentiment de fête que nous éprouvons à chaque projet.
Cette année est particulière. J’admire la ténacité de l’Académie, de Canal Plus à maintenir l’événement, à maintenir cette cérémonie, comme j’admire Fredéric Niedermayer d’avoir maintenu la sortie du film.
Quelle a été la nature et la difficulté de votre travail sur le film qui vous a apporté cette nomination ?
En réalité il n’y a pas vraiment de difficultés, nous faisons avec nos moyens.
Pour en donner une tout de même, je dirais, des maisons vides parfois vétustes, comme cette dépendance à l’abandon qui est devenue la maison Louise...
La question est toujours « aïe, comment allons nous faire ? »
Si on compare à nos débuts les moyens de production des films d’Emmanuel sont en hausse mais ils restent modestes et le fait que nous ayons la bonne fortune de nous tenir dans les festivals auprès de grosses machines est très amusant, très stimulant.
Nicolas de Boiscuillé :
Que représente pour vous cette nomination ?
Je repense à l’équipe que nous formions. Chacun travaillait main dans la main, concentré, appliqué et très collectif.
Il y avait Nina, assistante accessoiriste dont c’était le premier film, Pierre dont c’était le dernier. Nous étions nombreux et ne faisions qu’un. Une équipe !
Cette nomination est une belle reconnaissance pour le travail de chacun.
Je suis vraiment heureux pour nous tous.
Quelle a été la nature et la difficulté de votre travail sur le film qui vous a apporté cette nomination ?
La profusion des décors et des sites ne nous laissait aucun répit. C’était une course de fond.
Je crois que nous avons tous pris beaucoup de plaisir à travailler sur chacun des décors, de la fuite chaotique aux antres du pouvoir.
Le décor de la BBC en studio était particulièrement intéressant parce qu’il fallait souligner la modernité singulière de son architecture tout en s’esquivant derrière le jeu de Lambert Wilson.
Ce fût un travail long et complexe mais passionnant.
Je voudrais ajouter que je suis très heureux pour Anne Seibel, Aline Bonetto et leurs équipes nommées par l’Art Directors Guild.
C’est une reconnaissance d’envergure internationale.
Nous n’avons malheureusement pas réussi à joindre et avoir une réponse dans les temps de la part de Benoît Barouh, nous nous en excusons.